11 mai 2016
Le Parlement européen a adopté une résolution demandant la mise en oeuvre d'aides ciblées pour les zones montagneuses. Une première pour ces régions n'étant actuellement pas l'objet de mesures spécifiques dans le cadre des politiques de cohésion.
Les zones montagneuses représentent 30 % du territoire de l'Union européenne et 17 % de ses habitants y vivent (70 millions de personnes). Pourtant ces espaces ne font jusqu'ici présent l'objet d'aucune politique spécifique. Portée par la députée bulgare Iliana Iotova (S&D, social-démocrate), la proposition de résolution en faveur des zones montagneuses a pour objectif d'inciter la Commission européenne à combler ce vide. Mardi 10 mai, le Parlement européen a adopté le texte à une large majorité. Les parlementaires appellent la Commission à mettre en oeuvre un programme d'action pour améliorer l'accessibilité et la connectivité de ces régions. Une condition sine qua non pour y maintenir l'emploi et assurer leur dynamisme démographique. Le tout en respectant l'environnement, ces régions étant souvent d'importantes pourvoyeuses en eau potable. Le Parlement propose que cette nouvelle politique pour les zones montagneuses soit dotée d'un budget de 16 milliards d'euros. Soit 5 % des 350 milliards de la politique de cohésion 2014-2020.
Pourquoi ce projet d'aides spécifiques aux régions montagneuses n'arrive-t-il qu'en 2016 ? Pour l'eurodéputé français Younous Omarjee (GUE, gauche radicale), vice-président de la commission au développement régional, ce programme est une réponse à la crise économique qui accentue les difficultés des zones fragiles, dont les massifs font partie. Selon son compatriote Eric Andrieu (S&D, sociaux-démocrates), « les régions montagneuses sont aujourd'hui confrontées à de nombreux obstacles, comme leur difficulté d'accès, le faible nombre d'offres d'emploi ou le vieillissement de la population ».
Des Carpates aux Dolomites, des Alpes aux Highlands, les zones montagneuses sont enclavées et ont besoin des aides de l'Europe. Pour Michel Dantin, eurodéputé du Parti populaire européen (PPE, centre-droit) et maire de Chambéry, c'est une évidence. Pour lui, l'association systématique de la montagne et du tourisme « n'est qu'un cliché qui ne concerne que peu de localités. Seule l'agriculture et l'artisanat persistent dans ces zones rurales ». La chute démographique des régions montagneuses, conséquence directe de la disparition des emplois et des services publics, est une réalité. « En Bulgarie, dans certaines zones montagneuses, il n'y a plus d'enfants de moins de 14 ans ! », ajoute l'eurodéputée bulgare, Iskra Mihaylova (ALDE, libéraux), présidente de la commission au développement régional.
Iliana Iotova, rapporteuse de la proposition de résolution sur les zones montagneuses
(crédits : Parlement européen)
Un projet qui ne fait pas l'unanimité
Si la résolution a été adoptée à une large majorité, des voix se sont élevées contre le texte lors des débats. Notamment à l'extrême-droite de l'hémicycle. L'eurodéputé du parti UKIP Bill Etheridge (EFDD, souverainiste) a ainsi dénoncé « une ingérence de l'Union européenne dans la politique intérieure et un déséquilibre entre les contributeurs et les bénéficiaires nets au financement de la politique de cohésion ». C'est l'éternel débat de la politique de cohésion entre ceux qui reçoivent les aides et ceux qui les payent. Pour Younous Omarjee, ceux qui sont contre la logique de solidarité se trompent : « La politique de cohésion soutient les investissements et crée des marchés pour les pays contributeurs donc l'argument de « ça coûte trop cher » ne tient pas ». Pour lui, la politique de cohésion est garante de la stabilité du marché unique.
D'autres réserves ont été émises car la politique de cohésion connaît actuellement des dysfonctionnements et des retards de mise en oeuvre jugés « préoccupants ». Iskra Mihaylova a d'ailleurs interpellé la Commission durant les débats sur les lourdeurs administratives, le manque de coordination et la complexité de la gestion des fonds de cohésion.
Ce nouveau programme risque d'accentuer les difficultés inhérentes à la politique régionale. Il existe déjà des outils, dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), prenant en compte les handicaps naturels mais ils sont peu utilisés. Alors pourquoi créer un fonds spécifique pour les zones montagneuses ? Pour Michel Dantin, « il faut que l'Europe reconnaisse la spécificité des montagnes et accepte le différentiel de coût lié à l'altitude. Tout est plus cher de 30 % en montagne notamment la construction. L'isolation par exemple est une dépense importante », précise celui qui est aussi l'ancien président de l'Office public d'aménagement et de construction de la Savoie.
De plus en plus de spécificités
Le rapport Iotova insiste sur les spécificités des zones de montagnes. La reconnaissance des particularismes s'inscrit dans la nouvelle logique de la politique de cohésion. Depuis 2014, la PAC et la politique régionale sont gérées directement par les régions européennes et non plus par les capitales. Les régions définissent elles-mêmes les critères d'éligibilité à partir du cadre général européen. La Commission valide ensuite les projets avant leur mise en œuvre. Cette démarche ralentit la mise en oeuvre des programmes, mais garantit la reconnaissance des spécificités géographiques.
Pour Younous Omarjee, cette décentralisation est une avancée : « Qui mieux que les régions pour gérer la politique régionale ? Elle ne se déploie pas de la même manière selon les pays, elle doit s'adapter aux spécificités du terrain ». L' eurodéputé en sait quelque chose. Originaire de la Réunion, son île concentre les particularismes : insularité, ultra-périphérie, zone montagneuse. La résolution pour la montagne s'inscrit dans cette logique. Avoir une politique de solidarité pour l'ensemble des régions européennes mais avec une volonté plus affirmée de tenir compte des caractéristiques géographiques.
Par la voix du commissaire européen à la pêche, Karmenu Vella, la Commission européenne a reconnu lors du débat la nécessité d'une politique de cohésion mieux ciblée pour les régions montagneuses. En revanche, elle n'a pris aucun engagement concret quant à la présentation d'un texte législatif aux parlementaires dans un avenir proche.
Arthur Lindon, Guillaume Reuge