12 mai 2016
Les eurodéputés ont adopté jeudi 11 mai une résolution sur l'étiquetage obligatoire du pays d'origine de certaines denrées alimentaires, notamment les produits transformés à base de viande et de lait.
Le scandale de la vache folle et celui, plus récent, de la viande de cheval dans les lasagnes n'ont pas laissé indifférent les citoyens européens. Selon un sondage Eurobaromètre de 2013, 84 % d'entre eux n'ont plus confiance en ce qu'ils trouvent dans leurs assiettes et aimeraient davantage connaître le pays d'origine de leurs aliments. Dans ce contexte, des eurodéputés de la commission parlementaire "Environnement, santé publique et sécurité alimentaire" ont rédigé une proposition de résolution pour inciter la Commission européenne à mieux légiférer en la matière. Cette proposition a été débattue et soumise au vote au cours de la session plénière de mai à Strasbourg. Elle n'a pas fait l'unanimité parmi les parlementaires. L'eurodéputée française Michèle Rivasi (Les Verts) et son homologue allemande Renate Sommer (PPE, centre-droit) ont ainsi défendu des approches différentes du problème du suivi des denrées alimentaires et notamment des produits transformés à base de viande et de lait.
Le point de vue de Michèle Rivasi (Les Verts, France)
Que pensez-vous de la proposition de résolution ?
Un étiquetage de l'origine de la viande dans les produits transformés, c'est ça le principal objectif de la résolution. Les citoyens européens ont le droit de savoir ce qu'ils mangent, et ils le veulent. L'origine c'est très important, ça dirige le choix du consommateur.
Dans ses rapports, la Commission propose l'étiquetage des denrées qui comportent 50 % de lait ou de viande. Mais quand vous achetez vos lasagnes, la viande ne représente que 10 % du plat préparé ! Alors nous demandons un étiquetage des aliments qui contiennent au moins 10 % de lait ou de viande pour mieux informer le consommateur. Après libre à lui de choisir s'il veut acheter du lait provenant d'animaux qui ont été nourris au soja OGM d'Amérique latine ou bien du lait de France dont il sait que les animaux ont été élevés selon les normes d'hygiène européennes.
Quels seront les effets de l'étiquetage obligatoire ?
Pour les producteurs et les agriculteurs, c'est une valeur ajoutée. D'ailleurs la plupart le font déjà. C'est gage de proximité, de qualité. L'étiquetage va cibler les consommateurs qui sont sensibles au terroir. La grande distribution, elle, fait la chasse aux petits prix. Pour les industries agro-alimentaires ce n'est que le prix qui compte, ce n'est pas la façon dont ils produisent. Avec l'étiquetage, ils devront rendre des comptes, exposer le fait qu'ils vendent de la viande de cheval de Roumanie.
Nous, les Verts, nous voulions aller plus loin. Nous demandions même un étiquetage sur le bien-être animal, sur la façon dont les animaux ont été élevés, tués, etc. Quand on a présenté ça, bien évidemment ce n'est pas passé. Pourtant le consommateur devrait pouvoir choisir entre une viande locale et une viande élevée au tout-aliment, aux antibiotiques de prévention…
Est-ce que cela va changer les prix des produits?
Pour le consommateur, ça ne va pas coûter plus cher. Forcément, l'étiquetage des denrées alimentaires va favoriser le circuit court et il y aura moins d'intermédiaires.
L'étiquetage fonctionne déjà avec les produits non transformés, je ne vois pas pourquoi ça coûterait beaucoup plus cher avec les produits transformés. De plus, certains pays de l'Union européenne étiquettent leurs produits transformés depuis des années et ce système fonctionne très bien.
Le point de vue de Renate Sommer (PPE, Allemagne)
Que pensez-vous de la proposition de résolution ?
Quand on demande au consommateur s’il veut avoir quelque chose, il répond spontanément « Oui ! ». Mais quand on entre dans les détails, c'est plus compliqué. La Commission européenne s'est rendue compte que le consommateur a plusieurs exigences concernant les denrées alimentaires.
Ce qui est le plus important pour lui c’est le prix, ensuite c’est le goût, puis la date de péremption, et enfin seulement le pays d’origine. Le consommateur n'est pas prêt à payer plus pour savoir d’où vient son produit.
Quels seront les effets de l'étiquetage obligatoire ?
La Commission a constaté qu’un étiquetage sur le lait, les produits laitiers, la viande etc. entraînerait une hausse des prix. Mais souvent on ignore cette réalité pour des raisons de protectionnisme, et les États-membres veulent simplement protéger leur marché. On dit aux consommateurs que les produits nationaux sont de meilleurs produits et qu’il faut soutenir l'économie nationale : ce n’est pas vrai dans les deux cas.
En ce qui concerne l'étiquetage d’origine, ce ne sont pas les consommateurs qui paieront les prix supplémentaires, ce sont les agriculteurs qui le paieront. Et les grandes chaînes de supermarché les mettront encore plus sous pression.
Est-ce que vous estimez que les producteurs laitiers n’ont pas suffisamment de problèmes?
Est-ce que cela va changer les prix des produits?
L’industrie agro-alimentaire estime que l'augmentation des coûts sera de 20 à 50%. Les agriculteurs et producteurs vont devoir endosser les surcoûts, chose qu’ils ne peuvent pas faire : nos agriculteurs ont déjà du mal à survivre, comment peuvent ils faire face à cette situation ?
Le consommateur qui veut acheter des produits nationaux ou régionaux peut déjà le faire. Partout, vous trouvez des produits avec un étiquetage volontaire. Chaque boucher sait d’où vient la viande qu’il vend. Simplement, c’est un petit peu plus cher qu’au supermarché. Mais celui qui veut savoir d’où vient la marchandise peut le faire s’il souhaite payer un petit peu plus. C’est indéniable, l’étiquetage coûte de l’argent.
Jeudi 11 mai, les eurodéputés ont adopté la résolution sur l'indication obligatoire du pays d'origine et du lieu de provenance de certaines denrées alimentaires par 422 voix pour (dont celle de Michèle Rivasi), 159 contre (dont celle de Renate Sommer) et 68 abstentions. Ils revient désormais à la Commission européenne de proposer une nouvelle législation permettant de mieux tracer les produits transformés.
Mélissa Genevois et Raphaëlle Pérez