12 mai 2016
Le 11 mai, le Parlement a validé une nouvelle législation renforçant les pouvoirs d'Europol. Le texte se veut novateur en terme de collaboration sécurisée et respectueuse des individus, mais des questions demeurent.
« Il faut des enquêtes et des analyses plus saines car l’échange d’information est le talon d’Achille de l’Europe », résume le commissaire européen aux Affaires intérieures Dimitris Avramópoulos. Mercredi, 11 mai, le Parlement européen a validé de nouvelles mesures visant à renforcer les pouvoirs d’Europol en matière de récupération de données informatiques. Il aura fallu 33 mois de travail pour que ce texte voit le jour.
Europol est l’Office européen de police. Il a été créé en 1999 pour soutenir l’action des services de police nationaux dans leur lutte contre la criminalité et le terrorisme. Depuis plusieurs années, il est régulièrement critiqué pour son inefficacité et son archaïsme. Suite aux failles dans les échanges de renseignement révélées par les récents attentats de Paris et Bruxelles, les projets de réforme le concernant ont été accélérés.
Jusqu’à présent, Europol ne pouvait pas recevoir et partager des informations issues d’entreprises privées, comme Facebook ou Twitter, ce qui pouvait entraver certaines enquêtes, notamment anti-terroristes. Une lacune que le règlement adopté le 11 mai par le Parlement européen vient combler. A partir de 2017, l’agence de coopération policière pourra exiger des sociétés privées qu'elles lui transmettent des données personnelles nécessaires aux enquêtes de ses agents. Le but est surtout de renforcer les capacités d'Europol en matière de terrorisme ou de criminalité, lui permettant par exemple de demander à des réseaux sociaux la suppression de comptes jugés illégaux. « Il est important qu’Europol puisse supprimer les pages Facebook à la gloire du djihad », souligne le député belge Gérard Deprez (ADLE, libéraux). Au sein d’Europol, c’est l’unité de signalement des contenus sur le web qui se focalisera sur la lutte contre le terrorisme.
Parallèlement, le système d'échange et de collecte des données d'Europol sera amélioré. La Commission espère ainsi que l'Agence sera en mesure de recouper plus efficacement les informations des différents Etats membres.
Un contrôle à de multiples niveaux
Comment les données ainsi récoltées seront-elles contrôlées? Le contrôleur européen de la protection des données (CEPD), autorité d'encadrement indépendante qui s’assure de la protection des données par les institutions européennes, sera en charge d'assurer cette tâche, aux côtés du directeur exécutif d’Europol. Autant d’éléments pour assurer une « meilleure gouvernance de l’agence », assure le rapporteur du texte, l'Espagnol Agustin Diaz de Mera Garcia Consuegra (PPE, centre-droit). « J’espère que désormais, Europol pourra travailler 24 heures par jour et 7 jours sur 7 ».
Enfin, un groupe de parlementaires, constitué de députés nationaux et européens, sera également consulté, même si la Commission n'a à ce stade toujours précisé son rôle exact. Pour Agustin Diaz de Mera Garcia Consuegra, un tel contrôle parlementaire a vocation à constituer « un modèle pour toute future agence européenne».
Malgré tout, des inquiétudes subsistent. « Tout se passe sans qu'il n'y ait de véritable système judicaire qui assure une égalité de traitement pour toutes les personnes impliquées », alerte Cornelia Ernst, députée (GUE, gauche radicale) et rapporteuse fictive du texte. Elle ajoute: « Jusqu’à maintenant, Europol n’était autorisé à récolter des données qu’auprès des autorités policières locales, et non des entreprises privées. » Elle craint que le travail de signalement sur internet soit réalisé sans aucun suivi judiciaire des Etats membres. L’agence « n’a pas de loi pénale spécifique à appliquer, pas de procédure pénale ou de procureur qui puisse ouvrir une information judiciaire », estime-t-elle. La députée allemande regrette également que le texte ne mentionne aucun pouvoirs concrets pour le groupe de contrôle parlementaires : « J’ai de sérieux doutes sur le fait que les députés nationaux voient un avantage à venir à Bruxelles pour que le directeur d’Europol leur dise qu’il ne peut donner aucune information pour des raisons de confidentialité. »
Le groupe GUE et les Verts se plaignent pour leur part de l’information dont pourra bénéficier Europol, sans pour autant pouvoir la traiter plus amplement. « Il y a du progrès dans la récolte des données mais il ne suffit pas d’accumuler les informations, il faut faire plus d’enquêtes», a indiqué Jan Philipp Albrecht, membre des Verts lors du débat mercredi avant le vote.
« Europol va tout savoir »
Grâce aux nouveaux échanges permis avec les entreprises privées, Europol va récolter d’importantes informations. « Europol va tout savoir », s’alarme Beatrix Von Storch députée européenne du groupe souverainiste EFDD « Un danger pèse sur les données de tous les citoyens ». Une inquiétude que ne partage pas l’eurodéputée Cécilia Wikstrom (ADLE, libéraux) : « Nous devons avoir un organe puissant pour lutter contre le crime organisé tel que le FBI ». « Impossible » pour Timothy Kirkhope (ECR, conservateur), l’un des rapporteurs fictif du texte « Europol ne peut pas remplacer les services de renseignement intérieurs. Selon lui, les Etats ne le veulent pas, « On ne peut simplement pas faire un FBI européen ».
Clélia Bénard et Camille Pauvarel