12 février 2015
Le Parlement européen s’est prononcé, ce jeudi 12 février, en faveur de la création d’une commission parlementaire spéciale sur les rescrits fiscaux (tax rulings) et les mesures similaires.
Initialement mandatée pour six mois, la commission spéciale approuvée ce jeudi sera composée de 45 membres. Elle pourra examiner les rescrits fiscaux de tous les Etats-membres, mais ne pourra pas exiger d'avoir accès à des documents nationaux confidentiels. Elle sera chargée d’analyser si « les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet » sont compatibles avec les traités européens.
Lors du vote deux amendements ont été adoptés. L’un est l’oeuvre de Philippe Lamberts (Verts-ALE). Il enjoint à la commission spéciale d’analyser « les répercussions dans les pays tiers de la planification fiscale agressive effectuée par des entreprises implantées ou constituée dans les Etats-membres ».
Ses autres missions seront de veiller à ce que la Commission contrôle bien « l’obligation imposée aux Etats-membres de communiquer... des informations sur les rescrits fiscaux » et à ce que les Etats-membres « se conforment au principe de coopération loyale ».
« Deuxième meilleure solution »
La décision de constitution de cette commission spéciale a été prise il y a tout juste une semaine par la conférence des présidents. En novembre dernier 40 journaux publiaient une série de révélations, dites Luxleaks, sur les pratiques d’optimisation fiscale au Luxembourg sous la gouvernement de l’actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Les Verts demandaient aussitôt la création d’une commission d’enquête parlementaire afin d’examiner les pratiques fiscales des Etats-membres. Bien qu'ils aient réussi a obtenir un nombre de signatures suffisant (188), la Conférence des présidents des groupes politiques a choisi un autre moyen d’investigation – la commission spéciale. Moins puissante, et moins nuisible au président de la Commission.
Motif invoqué pour cette décision: un avis négatif du service juridique qui a jugé insuffisants, dans le mandat rédigé par les pétitionnaires, « les éléments qui permettraient d'identifier clairement les infractions et les cas de mauvaise administration allégués, ainsi que les États ou les entités considérés comme responsables ».
Selon la présidente de la Gauche unitaire européenne, Gabi Zimmer, « la commission d’enquête aurait été l' instrument le plus fort », la commission spéciale n’étant qu’une « deuxième meilleure solution ». En choisissant cette formule, le Parlement se prive en effet de certains pouvoirs dévolus à une commission d’enquête .
La commission d’enquête a le droit d’exiger des Etats membres tous les documents pertinents pour analyser des pratiques de concurrence fiscale déloyale, la commission spéciale n’aura, elle, accès d'autorité qu’aux documents des institutions européennes.
Pour Philippe Lamberts, président du groupe des Verts, l’accès aux documents nationaux est prépondérant lorsqu’il s’agit de mettre en lumière les pratiques passées en matière d’optimisation et d’évasion fiscale. L'option de la commission spéciale affaiblit donc le Parlement et réduit la portée le ses investigations.
Le député belge ne jette pas l'éponge pour autant : « En tant que membre de cette commission spéciale, j’ai l’intention d’utiliser au maximum ses capacités pour lutter contre l’injustice fiscale des entreprises multinationales », assure-t-il.
Parmi les autres membres de cette commision figurent Alain Lamassoure (PPE, FR), Emmanuel Maurel (S&D, FR), Hugues Bayet (S&D, BE), Sylvie Goulard (ADLE, FR), Eva Joly (Verts/ALE, FR) et Bernard Monot (NI, FR).
Danara Ismetova et dang thi huong
La décision du Parlement :20150212-XD decision_cs.pdf