12 février 2015
Strasbourg a adopté mercredi 11 février sa résolution sur les mesures anti-terrorisme qu'elle préconise. Parmi elles, le délicat PNR européen, accepté grâce à l'approbation de l'amendement proposé par une coalition formée du PPE, du S&D, de l'ALDE, du CRE et de l'ELDD. Le Parlement s'y engage à l'adopter d'ici la fin de l'année.
La directive PNR, proposée depuis 2011, met en place en Europe un système de surveillance de masse des données des passagers des compagnies aériennes. Le Passenger Name Record correspond à un grand fichier européen recensant les données transmises par le milliard de voyageurs aux compagnies aériennes lors de leur réservation et à l'embarquement : identité, itinéraire, hôtel réservé, voiture de location, numéro de carte bancaire etc. L'objectif de ces renseignements est de détecter des comportements suspects comme un aller simple, de lourds bagages pour un court séjour, ou des coïncidences fréquentes entre les déplacements de plusieurs passagers.
Un projet controversé
Ce projet européen faisait controverse puisqu'il porte atteinte à la vie privée des citoyens. Depuis avril 2013, la proposition de loi était bloquée, d'abord par la commission des Libertés civiles du Parlement puis par l'arrêt de la Cour de Justice de l'UE du 8 avril 2014 qui exigeait qu'on démontre la nécessité de la collecte des données personnelles. L'adoption de cette résolution traduit une brusque accélération, sous la menace brandie des "combattants étrangers". Après les attentats de Paris en janvier, les pressions se sont fait irrésistibles sur le Parlement pour qu'il revoie sa position.
Mercredi matin, l'atmosphère était tendue dans l'hémicycle. En effet, si Kalnina-Lukasevica (Conseil) insistait sur l'importance de mettre en place la directive, un quarteron de parlementaires questionnait toujours le principe de proportionnalité. Le vice-président de la Commission, Frans Timmermans concédait que « le PNR, ce n'est sans doute pas la solution à tous nos maux. C'est juste un élément d'une chaîne de moyens pour lutter contre le terrorisme en Europe.» Pour ajouter aussitôt « L'alternative, c'est que les Etats prennent des initiatives individuelles et ça, ce n'est pas la bonne solution ».
Le PPE réaffirmait son soutien à la proposition de directive, le français Alain Lamassoure déclarant qu' « on ne peut pas défiler le 11 janvier et le 11 février refuser la seule solution européenne proposée : le PNR ». Cependant, les Verts continuaient d'assimiler le PNR à un outil digne d'un Etat policier avec une « mise sous surveillance de la société généralisée » tempêtait le belge Philippe Lamberts (Verts). Il est revenu à Guy Verhofstadt (ALDE) de créer la surprise annoncée en se désolidarisant publiquement des détracteurs les plus sévères qui sont la Gauche radicale et les Verts et en ralliant l'amendement de compromis:. celui-ci souscrit au PNR européen à condition que le Conseil avance parallèlement sur le paquet législatif relatif à la protection des données personnelles.
D'autres outils pour la lutte contre le terrorisme
Les mesures préconisées par les parlementaires ne se résument cependant pas au PNR. En détail, la résolution souligne les limites de la coopération policière et judiciaire européenne et prône une amélioration de coordination des services répressifs. Les forces de l’ordre sont encouragées à coopérer efficacement avec Europol. Elle propose la création d’un centre de lutte contre le terrorisme au sein d’Europol, à l’image du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3). Elle appelle aussi de ses vœux la création d’un organisme européen chargé du renseignement qui se concentrerait sur le partage d’informations et la communication préventive.
Un nouveau débat émerge autour du code frontières Schengen, qui régit le comportement de la police des frontières. Faut-il le réviser pour permettre la consultation du système d'information Schengen (SIS2), avec ses signalements de suspects, pour toute entrée sur le territoire, ou un simple aménagement de son interprétation suffirait-il à produire les mêmes effets? Emporté par l'enthousiasme, Frans Timmermans a en tout cas suscité une belle agitation dans l'hémicycle en évoquant l'idée de revoir les contrôles à l'intérieur même de l'espace Schengen. Il s'est rapidement repris, assurant que les acquis de Schengen resteraient garantis. Ce que la résolution, pour plus de sûreté, prône aussi en réaffirmant sans barguigner « la libre circulation au sein de la zone Schengen est l'une des libertés les plus importantes de l'Union Européenne ».
Hélène gully